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Vie des affaires

Responsabilité

Troubles anormaux de voisinage : une exception en faveur des professionnels

Un particulier, ou d'ailleurs une entreprise, qui s’installe à côté d’un restaurant, d’une usine ou d’une exploitation agricole, ne peut pas se plaindre des désagréments sonores, visuels ou olfactifs. Tel est l’objectif d’une récente loi qui vient compléter le code civil et devrait mettre les professionnels à l'abri de bien des contentieux.

Responsabilité pour trouble anormal du voisinage

Un nouvel article vient d’être inséré dans le code civil. Il dispose tout d’abord : « Le propriétaire, le locataire, l'occupant sans titre, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte » (c. civ. art. 1253, al. 1er).

Ainsi, chacun a le droit de jouir paisiblement de sa propriété, de son logement ou de son fonds et a droit à réparation du préjudice qu’il subit. L’introduction de ce principe général dans le code civil consacre la jurisprudence de la Cour de cassation.

Une exception pour toutes les activités

Le nouvel article 1253 du code civil se poursuit dans un second alinéa et dispose que la responsabilité pour trouble anormal de voisinage n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités existant antérieurement :

- à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ;

- ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien par la personne lésée.

En outre, ces activités doivent s'être poursuivies :

- soit dans les mêmes conditions ;

- soit dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal.

En pratique, celui qui s’installe à proximité d’un lieu particulièrement bruyant ou malodorant ne peut donc pas se plaindre d’un trouble anormal du voisinage lorsque la nuisance existait déjà au moment de son installation.

Une exception supplémentaire pour les activités agricoles

Les exploitants agricoles peuvent, de surcroît, justifier d’un trouble anormal du voisinage, et échapper ainsi à leur responsabilité, en démontrant (c. rural et pêche mar. art. L. 311-1) :

- qu’ils ont dû mettre leur activité en conformité avec la réglementation ;

- qu’ils n’ont pas modifié de façon substantielle la nature et l’intensité de leurs activités.

En cas de contentieux, il reviendra au juge de déterminer si la modification, source du trouble anormal de voisinage, est, ou non, une modification substantielle de l’activité. Dans la négative, la responsabilité de l’exploitant ne sera pas retenue.

Le garde des Sceaux a pleinement approuvé les nouvelles dispositions : « oui, il est ubuesque que certains, dérangés par le bruit des tracteurs et des moissonneuses, s’attaquent à ceux qui nous nourrissent alors même qu’ils avaient connaissance de l’environnement dans lequel ils s’installaient ! Désormais, cela ne sera plus possible, et c’est heureux » (AN débats du 8 avril 2024).

Loi 2024-346 du 15 avril 2024, JO du 16