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Vie des affaires

Bail commercial

Louer un local édifié sans permis de construire expose le bailleur à voir le bail résilié à ses torts

Le défaut de permis de construire affectant un local donné à bail peut constituer un manquement à l’obligation de délivrance pesant sur le bailleur et par ricochet justifier la résiliation du bail aux torts de ce dernier.

L’obligation de délivrance pesant sur le bailleur

Par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, le bailleur est obligé de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir pour l’usage pour lequel elle a été louée (c. civ art. 1719).

En d’autres termes, le bailleur doit délivrer au locataire un local conforme à sa destination contractuelle et ce tout au long de l’exécution du contrat (cass. civ., 3e ch., 10 septembre 2020, n°18-21890). À défaut, sa responsabilité peut être mise en cause.

Le défaut de permis de construire du local loué peut constituer un manquement du bailleur à son obligation de délivrance

La position de la cour d'appel

Dans une récente affaire le locataire d’un local édifié sans permis de construire avait, du fait de cette irrégularité administrative, sollicité la résolution du bail aux torts des bailleurs pour manquement à l’obligation de délivrance de la chose louée. Il réclamait également la restitution des loyers versés ainsi que des dommages et intérêts.

La cour d'appel a rejeté ses demandes au motif qu’il avait toujours pu exploiter le local conformément à la destination prévue au contrat et que l'absence de régularité n'avait pas eu d'incidence directe sur l'exploitation quotidienne du fonds de commerce.

Censure de la Cour de cassation

La Cour de cassation a relevé que la cour d’appel avait aussi retenu, en parallèle de l’exploitation quotidienne et ininterrompue des lieux, que le défaut de permis de construire :

-posait des difficultés pour assurer les lieux;

-restreignait fortement les capacités de développement du commerce ;

-limitait de façon drastique la possibilité pour le locataire de vendre son fonds du fait de l'éventualité d'une injonction administrative de démolir.

En outre, les bailleurs ne démontraient pas que le défaut de permis de construire pouvait être régularisé.

Partant, la Cour de cassation a jugé que la cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1719 du code civil, d’où censure de l’arrêt attaqué.

En pratique

Satisfaire à l’obligation de délivrance impose donc au bailleur de louer un local construit dans le respect des règles sauf à prendre le risque de voir le bail résilié à ses torts et le locataire lui demander réparation.

Pour aller plus loin

« Le bail commercial », fiche « Les troubles de jouissance », RF 2022-2, § 141.

Cass. civ., 3e ch., 1er juin 2022, n°22-11602